Les chroniques d'Escobar

Chroniques musique et cinéma

“J. Edgar”, de Clint Eastwood ($*)

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’J. Edgar’ est un grand film, le réveil éclatant d’un cinéaste”, peut-on lire dans les colonnes de Charlie Hebdo le jour de la sortie de cette trente-deuxième réalisation estampillée Clint Eastwood. Alors, réveille éclatant ou agonie progressive ? On pencherait volontiers pour la seconde solution au sortir de la projection de “J. Edgar”, biopic psychologique censé mettre en avant le charisme sans borne de l’homme qui dirigea le F.B.I. pendant près d’un demi siècle. Malheureusement, de cette personnalité hors normes, on ne verra que le penchant homosexuel, secret et manipulateur, tant Eastwood et son scénariste Dustin Lance Black (ne l’oublions pas celui-là !) s’attachent à décrire les refoulements gay de cet anti-communiste paranoïaque. Durant les 2h15 du film qui semblent durer une éternité, le réalisateur de San Francisco s’entête, on ne sait trop pourquoi, à filmer des discussions de bureau inintéressantes et des scènes familiales faussement ambigües pour mieux pénétrer – paraît-il – l’intellect de cet homme mystérieux, sujet à de nombreux fantasmes. Des arrestations sur le terrain et des plongées réelles dans l’univers du F.B.I., nous n’en voyons que des ersatz. La caméra nous embarque, en tout et pour tout, quinze minutes en extérieur, nous offrant qu’une succession de plans grisâtres sertis d’éclairages mornes, sombres et austères, conférant à l’ensemble une dimension quasi funeste.

Leonardo DiCaprio qui, soit dit en passant, a 90% de chances de décrocher l’Oscar avec se rôle taillé pour, est parfaitement convaincant… sauf quand il revêt son maquillage en carton-pâte censé le vieillir de trente ans. Mais si le J. Edgar Hoover version maison de retraite perd en crédibilité, que dire de son bras droit, Clyde Tolson (Armie Hammer), qui joue le vieillard sénile à peu près aussi bien qu’une tanche. On vous recommande, à ce titre, la scène où Tolson retrouve son vieil ami (amant ?) Hoover, inerte, torse poil à côté de son lit – un sommet de ridicule. Ce “J. Edgar” rejoint le “Public Enemies” de Michael Mann dans la catégorie des biopic surcotés où l’acteur vedette éprouve toutes les difficultés du monde à retranscrire le charisme de la personnalité visée. Mais en réalité, le problème du film n’est pas tant la performance de Leonardo DiCaprio que l’exploitation que Clint Eastwood et son scénariste en font. En voulant casser les codes préétablis du biopic d’action, le cinéaste se perd dans une narration scolaire (voix off explicative, morale à deux balles) et monotone, rappelant par moment la lourdeur du récent “Invictus” (2009).

Au final, on retiendra que John Edgar Hoover – censé être l’un des hommes les plus puissants au XXième siècle, rappelons-le – était un homo refoulé, un anti-communiste primaire et qu’il aimait plus que tout au monde sa maman jusqu’à suivre aveuglement ses recommandations. Pour la grande fresque historique, on repassera.

$* / $$$$$

Film : J. Edgar
Réalisateur : Clint Eastwood
Scénariste : Dustin Lance Black
Directeur de la photographie : Tom Stern
Musique : Clint Eastwood
Date de sortie : 11 janvier 2011
Distribution : Leonardo Di Caprio (J. Edgar Hoover), Naomi Watts (Helen Gandy), Armie Hammer (Clyde Tolson)

Written by escobar56

janvier 12, 2012 à 12:04

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